Un magnifique hommage à la ruralité

Jeudi 26 janvier, Ciné Laudon avait convié le réalisateur Christophe Tardy à présenter au public l’histoire de Claudius Jomard, paysan des Monts du Lyonnais, héros de son documentaire Là, où le temps s’est arrêté.

La vie quotidienne d’un paysan d’autrefois

Claudius Jomard est né en 1930 à St Martin en haut, une commune du Rhône située à 730m d’altitude, où ses parents exploitent une petite ferme. Sa mère décède quand il a 9 jours, c’est donc son père qui l’élève seul. Depuis l’âge de 34 ans (à la mort de son père), Claudius vite seul dans la maison familiale, restée en l’état, avec quelques animaux. La vie semble s’être figée dans ce bâtiment des plus rustiques, où la modernité n’a pas sa place ; des ampoules pour l’éclairage, une radio à piles, une vieille cuisinière à bois servant aussi de chauffage et quelques meubles usés pour tout décor.

L’étable où viennent se reposer 2 vaches est attenante à la bâtisse, située dans une clairière au cœur d’une nature verdoyante. La vie de Claudius s’articule autour de son potager, de ses bêtes (il a également quelques poules, un chat, un chien), de ses rares visites au village (4 km à pied) les jours de messe ou pour s’occuper des tombes de sa famille. Il reçoit quelques visiteurs, les voisins, des chasseurs et des promeneurs, et l’inséminateur pour que sa vache encore féconde puisse lui donner un veau.

Même si Claudius ne semble pas malheureux, ses conditions de vie, sa pauvreté, sa solitude (notamment le soir de Noël), le froid auquel il est confronté l’hiver , ont beaucoup touché les spectateurs présents dans la salle. Ce documentaire très réaliste et intime en aura ému plus d’un.

Pourquoi ce film ?

Avant de vivre de ses passions, la photographie et le cinéma, qui l’auront entraîné plus de 20 ans au Sénégal, Christophe Tardy a été inséminateur (ou technicien génétique) pendant 10 ans, et a donc eu l’occasion de fréquenter le monde rural sous toutes ses formes. Son expérience africaine (il a beaucoup tourné dans la brousse) lui a permis de rencontrer des paysans locaux, qui « ne vivent de rien mais de l’essentiel ». Aussi, une fois rentré en France, a-t-il eu envie de faire un film sur la ruralité en voie de disparition. C’est par son ancien réseau et Yves, un des protagonistes du documentaire, qu’il entend parler de Claudius et demande à le rencontrer. En arrivant dans cette clairière magique, au bout d’un long chemin, Christophe découvre un autre monde, et Claudius. Il lui parle tout simplement de son envie de tourner un film sur lui, en précisant qu’il sera seul pour ce faire, avec sa caméra et son enregistreur. Claudius ne refuse pas … Et comme il n’y a ni scénario, ni planning, le réalisateur se contenant de suivre son « acteur « dans sa vie quotidienne, et de ne lui poser que de rares questions, la confiance se crée, bâtie autour d’un respect mutuel.

Le tournage aura duré 15 mois, temps nécessaire pour suivre le paysan pendant 4 saisons, et le montage près d’un an et demi. La musique, adaptée au thème tout en respectant les plages de silence, a été spécialement composée par Hervé Rakotofiringa, qui a notamment accompagné Peter Gabriel.

La première projection aura lieu en décembre 2019 dans la commune de St Martin en haut, sans Claudius malade, une séance spéciale étant organisée un peu plus tard pour lui en petit comité. Claudius restera « scotché » à l’écran pendant toute la séance; très ému, et triste que personne de sa famille n’ait pu voir le film, il aura ces mots à la fin «  on n’y voit pas pareil.. »

Claudius et Christophe, l’histoire d’une rencontre

Au-delà du témoignage d’un mode de vie à l’ancienne, le public de Ciné Laudon a découvert ce soir-là la force des liens entre Claudius Jomard et Christophe Tardy ; le réalisateur n’a pas caché son émotion en décrivant l’authenticité et la simplicité de leur relation, comme les moments forts de leur « vie commune ».

 Pour répondre aux questions des spectateurs, il s’est dit très marqué par la nostalgie de Claudius lui montrant ses calendriers ( le plus ancien datant de 1956), ou lorsqu’il évoquait sa famille disparue, en concluant : «  après moi ce sera la fin du monde »…

C’est aussi avec beaucoup de tendresse que Christophe Tardy a rassuré le public sur l’apparente solitude de son héros : non Claudius n’était pas malheureux, il vivait dans sa bulle, sans besoins particuliers, fusionnel avec ses bêtes et avec la nature. Il faisait également l’objet de beaucoup d’attentions de la part des habitants du village qui ont toujours veillé sur lui.

C’est l’homme et non plus le réalisateur, qui continuera à prendre des nouvelles de Claudius après le tournage, qui viendra le voir par plaisir, puis apprendra qu’il a dû se séparer de ses vaches, et qu’il se laisse aller. Les derniers mois de son existence – il s’éteint en 2020- Claudius les passera en Ehpad, où finalement il connaîtra des conditions agréables en étant auréolé du statut de vedette auprès des autres résidents !

Christophe Tardy a souhaité remercier toutes les spectatrices et spectateurs pour l’accueil réservé à son film qu’il distribue lui-même. Il était bien naturel pour clore cette soirée exceptionnelle que l’équipe de Ciné Laudon et son public remercient à leur tour très chaleureusement l’homme et le réalisateur pour cette immersion dans l’intimité et le monde encore préservé d’un personnage attachant.

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