Echanges autour des TDAH

Le jeudi 9 janvier 2025, Ciné Laudon a présenté le film « En tongs au pied de l’Himalaya », film suivi d’un échange passionnant avec 4 invités.
- Monsieur Pieric Hotellier, papa de Mayann – adolescent porteur d’un trouble du spectre de l’autisme – et président de l’association Mayann Autisme et Vie.
- Madame Carole Vessat, conseillère pédagogique au service de l’école inclusive, accompagne les enseignants dans la prise en charge des élèves qui en ont besoin. Elle forme aussi les AESH dans leur métier.
- Monsieur Régis Vessat, principal du Collège de Saint-Jorioz depuis 5 ans.
- Madame Claudine Casavecchia, maman d’une jeune de 26 ans qui présente un TDAH et présidente de l’association HyperSupers TDAH France.

Avec mille et une touches de sourires, de rires et de surprises, ce film bouleversant nous emmène au cœur du quotidien de toutes les personnes impliquées dans la vie d’un jeune enfant, Andrea, à qui on a diagnostiqué un TSA (trouble du spectre de l’autisme).
A la fin de la projection, les spectateurs et les intervenants ont eu du mal à maîtriser leurs larmes, rendant la prise de parole difficile dans un premier temps car les situations représentées leur rappelaient leur propre expérience avec leurs enfants.
Nos invités ont apporté des réponses claires et documentées au publicconcerné voire impliqué. Les échanges ont été intenses, en voici un aperçu.
L’explosion des troubles du neurodéveloppement
Dans les troubles du neurodéveloppement, 1 autiste sur 2 a également un TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans hyperactivité).Il y a plusieurs niveaux dans l’autisme : des autistes verbaux, des autistes non verbaux, des personnes capables de vivre en semi-autonomie, … Si les prises en charge sont précoces, si les rééducations arrivent tôt, on constate qu’on transforme la trajectoire de vie. D’où l’importance du repérage dès l’enfance, pour mettre en place des outils adaptés.
Les principales causes avancées sont les problématiques environnementales, la pollution, les perturbateurs endocriniens et leurs dommages pendant la grossesse. Toute la chimie qui envahit la vie quotidienne, l’aluminium, le fluor ….
L’association HyperSupers a énormément d’adultes qui viennent pour obtenir un diagnostic de TDAH. Cela éclaire tout leur parcours de vie et c’est un soulagement pour eux de savoir pourquoi ils ont rencontré des difficultés, pourquoi ils ont connu des échecs et comment ils peuvent reconstruire leur vie. L’augmentation de ces troubles s’explique aussi par la meilleure connaissance qu’on en a et donc un meilleur repérage. La recherche avance sur ce plan.
L’origine en est multifactorielle, perturbation de notre environnement au sens large mais aussi des facteurs génétiques. On parle d’héritabilité. En général, un enfant se révèle TDAH parce qu’un de ses ascendants l’est. D’ailleurs, souvent à l’occasion du diagnostic de l’enfant, un des 2 parents se reconnaît comme étant lui-même atteint d’un TDAH, d’une dyslexie ou d’une dyspraxie, dysorthographie ou d’un syndrome du spectre autistique à un moindre niveau.
C’est-à-dire que si un parent est porteur d’un TDAH, il a à peu près 76% de risque de le transmettre à son enfant.
Une maladie, une prise de substances chimiques pendant la grossesse peuvent nuire aussi au développement neurologique de l’enfant. Lors d’un accouchement difficile le cerveau de l’enfant peut être endommagé, ce qui va générer des troubles du neurodéveloppement.
Un handicap invisible douloureux
Chaque parent souhaite que son enfant puisse progresser, s’épanouir et gagner en autonomie et c’est un long chemin.
Ce qui est blessant pour les parents, c’est le regard des autres sur ce qu’on appelle duhandicap invisible : un comportement différent, atypique. On entend dire que l’enfant n’a pas d’éducation alors que le problème n’est pas là. Un regard bienveillant et compatissant fait du bien aux parents.
Enseignement et pédagogie
2 enfants sur 100 naissent avec un TSA. Différents degrés existent : du léger trouble au handicap très lourd avec des troubles du comportement, des difficultés cognitives gênant l’apprentissage.
Le conseiller pédagogique accompagne les enseignants dans l’utilisation d’outils pour que l’enfant puisse avoir les mêmes repères, à l’école, puis à la maison. Les enseignants confirmés et les néo-titulaires n’ont pas reçu de formation pour cela. Toutefois, les choses évoluent et on offre maintenant aux familles et aux enfants les moyens de progresser.
Les choses ont évolué sur la prise en charge dans la petite enfance. Le diagnostic est plus précoce, plus précis, les choses sont plus faciles à mettre en place au niveau de l’école primaire, avec une orientation plus rapide vers des écoles spécialisées ou vers des instituts. Le mot IME (Institut Médico-Educatif) fait beaucoup moins peur qu’avant, ce n’est plus du tout considéré comme un hôpital de jour, mais vraiment comme un centre d’apprentissage. Ces dernières années, cela a énormément changé au sein des institutions par rapport au handicap. Pour l’adolescence, c’est encore compliqué. Et pour ce qui est de la projection dans la vie d’adulte, c’est le no man’s land.
En France, la gestion du handicap et de l’autisme en particulier, pour les adultes, est une catastrophe, car il n’y a aucune place disponible. Les centres pour les adultes porteurs d’autisme sont déjà pleins en Haute-Savoie. Il faut savoir que dans ces centres de vie et foyers d’accueil, un jeune qui entre à 18 ans avec un trouble autistique, va rester jusqu’à la fin de sa vie dans le centre. Ce sont donc les parents qui s’occupent des enfants tant qu’ils le peuvent parce qu’il n’y a pas de structure. Certains sont obligés d’aller en Belgique ou en Suisse.
L’inclusion à l’école / au collège
Tous les élèves n’ont pas la même intensité de troubles. Mais sur l’ensemble des troubles décrits, depuis 5 ans, environ 20% des élèves du collège de Saint-Jorioz sont concernés par un trouble identifié et peuvent avoir des plans particuliers d’aide. Il y a 50 ans, il y avait une norme scolaire. L’école, c’était le respect de cette norme. Petit à petit cette norme disparaît. Au collège Jean Monnet, il y a 6 AESH (Accompagnants d’élèves en Situation de Handicap). En France, les AESH sont maintenant le 2ème corps après le corps des professeurs. Les élèves qui ne sont pas accompagnés par une AESH peuvent bénéficier d’aménagements spécifiques. Et ce n’est pas simple pour les enseignants qui doivent s’adapter à ces différents profils. Il faut trouver des solutions collectives.
Un gros retard en France sur la prise en charge de ces troubles
Le gros problème en France, c’est qu’on a énormément de retard. Il y a pourtant eu des plans autisme. Des personnes de l’association HyperSupers participent aux groupes de travail avec des membres du gouvernement, au sein de la stratégie interministérielle sur les troubles du neurodéveloppement. Il y a eu une première stratégie 2017-2023 et une deuxième stratégie qui s’est mise en route en novembre 2023, à nouveau pour 5 ans, avec 680.000.000 euros à la clé. TDAH en France, c’est à peu près 16% de la population qui est concernée. Il s’agit d’un enjeu sociétal et de santé publique absolument énorme. Le gouvernement a mis en place coordination et orientation pour faire du repérage précoce parce que les associations de patients ont milité pour dire qu’il fallait absolument prendre le problème à la base, dès la petite enfance, dès qu’on peut poser un diagnostic. Avant, les parents assumaient la totalité du coût des rééducations. La deuxième stratégie nationale met en place des centres ressources, une réorganisation de tous les soins et l’obligation pour tous les établissements médico-sociaux d’avoir les bonnes pratiques en suivant les bonnes recommandations de la Haute Autorité de Santé pour la prise en charge et les soins. Partout en France, on a la même thérapie avec la même qualité.
Pour aller plus loin :
Mayann Autisme et vie
https://www.facebook.com/profile.php?id=100064365655484
TDAH France