Journées Européennes du Patrimoine 16 et 17/09/2023

Dans le cadre des Journées  Européennes du Patrimoine les 16 et 17 septembre derniers, Ciné Laudon a eu le plaisir de présenter deux courts métrages, témoins du patrimoine saint-jorien et annécien :  « Fête du Pays du Laudon » (1983) et « Pêche au Thiou » (1984).

 Ces 2 courts métrages sont signés Auguste VELLAND, pour le premier et Claude BONDIER et Auguste VELLAND pour le second.  Tous deux étaient membres actifs du caméra club d’Annecy.  Auguste VELLAND fut boulanger à Saint-Jorioz pendant plusieurs décennies.  Il était passionné de prises de vue et de montage. A partir de 1965, il a réalisé de nombreux films et la plupart ont immortalisé soit des scènes de la vie paysanne locale soit des métiers et en premier lieu, celui de boulanger. Il a aussi filmé des scènes de pêche, à laquelle il s’adonnait. Beaucoup de ses films ont été réalisés lors de manifestations festives à Saint-Jorioz ou dans les communes environnantes.

 A son décès  en 2012, sa famille a remis tous ses films à la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l’Ain https://www.letelepherique.org/Catalogue-de-films-527-0-0-0.html, dont les deux courts métrages sélectionnés pour ces Journées du Patrimoine.

Le film “Fête du Pays du Laudon” de 1983 montre toutes les facettes de cette manifestation qui se déroule chaque année, le deuxième dimanche de septembre, dans une ambiance conviviale. Les stands y ont toujours été nombreux, avec au départ, le comice agricole et des stands mettant en avant le terroir: fabrication de “bidoyon”, vente de boudin, … le tout avec la participation des associations. (De nos jours, la fête est devenue un forum des associations, et garde une connotation agricole grâce aux exploitants fermiers  perdurant à Saint-Jorioz.

Le film “Pêche au Thiou” relate un projet pédagogique unique en France, centré sur la découverte de la pêche en rivière pour les écoliers d’Annecy et alentours.

A la fin de la projection, notre invité, Pierre Boutillon, Président de l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de 2013 à 2020, a présenté “Annecy Lac Pêche” ( https://www.annecylacpeche.com/) et répondu avec passion aux nombreuses questions qui lui ont été posées.

Annecy Lac Pêche (ALP) est la seuleAssociation agréée, forte de 2500 adhérents, qui gère la pêche au lac. Comme ce dernier appartient à l’État, la préfecture vend en exclusivité les baux de pêche par son intermédiaire. La gestion est faite par les pêcheurs.  Une Commission consultative, se réunissant 2 fois par an, intègre les pêcheurs amateurs et professionnels, le maire d’Annecy, l’INRAE, l’ONEMA, la DDT, … Elle est habilitée à demander des modifications de la réglementation comme par exemple la modification des tailles de capture, lesdates d’ouverture et de fermeture, les quotas etc.

Les questions du public et réponses de M Pierre Boutillon:

 « Quand nous sommes arrivés sur la commune de Saint Jorioz, nous voyions des pêcheurs qui prenaient d’énormes truites dans le Laudon. Je n’en vois plus depuis quelques années, à quoi ? « 

Les truites lacustres ont toujours existé dans le lac,des poissons qui font 4, 5, 6 voire 10 kilos, et ressemblent vraiment à des saumons. Cette ressource semblait s’affaiblir dans les années 2000, il avait donc été décidé d’aleviner en truites lacustres. Autrement dit, tous les ans, on faisait une ou 2 pêches au mois de décembre ou janvier, au moment où des grosses truites remontent dans les rivières pour pondre. On prélevait les œufs des femelles, la laitance des mâles et on « fabriquait » des alevins de truites à la pisciculture de La Puya, à raison 100 000 alevins de truites par an pendant 15 ans. Ils ont été déversés dans les rivières alimentant le lac pour essayer de renouveler la population. Ils ont été marqués avec un colorant violet issu d’une plante, la garance, par immersion dans un bain qui colore un petit os de la tête de façon indélébile. Or les poissons marqués n’ont pas été retrouvés. En clair, l’alevinage pratiqué pendant 15 ans, n’a servi à rien, le fait de rajouter des alevins, provoquerait une sorte de surdensité empêchant d’arriver à maturité. Curieusement, depuis, il y a eu énormément de truites naturelles dans le lac. On pense que le frai s’est bien passé ces dernières années, mais sans savoir si cela va continuer

« Vous n’avez plus besoin de faire ces prélèvements ? Les grosses prises existent toujours ? »

Oui, sans avoir tous les chiffres en tête, je connais un pêcheur qui pêche à la traîne : il prend environ 80 truites par an, qu’il relâche, qui peuvent peser jusqu’à 10 kilos. On les voit toujours au mois de décembre, remonter les rivières pour pondre leurs œufs, dans l’Ire, la Bornette, dans l’Eau morte, le Laudon. 

Question d’un enfant : « Pourquoi le concours de pêche d’il y a 40 ans n’a pas été fait dans le Laudon ? »

Il  était plus facile pour le concours de scinder le Thiou en tronçons plutôt que le Laudon.

“Où se situe le bateau école de pêche ?”   

 A Sévrier, le long de la cale sèche qui accueille actuellement Le libellule, il y a des anneaux de bateau, marqués « Ecole de pêche ». On met le bateau à l’eau du mois d’avril au mois de d’octobre.

« Combien y a-t-il de pêcheurs professionnels ? « 

Il y a 2 professionnels actuellement.

« Quels sont les autres poissons, en dehors de la féra, emblème du lac ? « 

La féra se reproduit naturellement et bien. La période de frai est en général entre le 25 décembre et le 15 janvier dans très peu d’eau. A Saint-Jorioz sur l’esplanade, les féras fraient dans quatre-vingts centimètres d’eau, tout au bord le soir vers 20h. c’est assez spectaculaire à voir. On trouve aussi beaucoup de perches. La perche se porte bien, le brochet aussi. Le souci c’est l’omble chevalier. Depuis 10 ans, on alevine annuellement à peu près 100 000 ombles. On les élève à la Puya. Quand on récupère les têtes auprès des pêcheurs amateurs, on regarde les colorations du petit os. On constate que 8% seulement des ombles viennent de la reproduction naturelle. Ce problème pourrait être lié à la température de l’eau. Des études sont menées avec l’INRAE et la Fédération de pêche, pour en connaitre les causes.  D’autant que c’est un phénomène observé dans tous les grands lacs de montagne français.

Devant la pisciculture Il y a 2 captages, l’un à 26 mètres de profondeur un autre à 12 mètres. Jusqu’à il y a 2 ou 3 ans, on pompait au mois de novembre, à 26 mètres, de l’eau à 6°-7°. Pour l’éclosion des œufs d’omble, c’est l’idéal pour les géniteurs. Malheureusement, maintenant, la température de l’eau pompée s’élève plutôt à 8°- 9°. Ce qui entraine 80% de perte. On est obligé de refroidir l’eau avec un groupe de froid, pour passer de 8,5° à 6,5.  Une étude (budget 30 000€) est menée actuellement pour refroidir l’eau dans les bacs des géniteurs. La question se pose de continuer à aleviner en refroidissant l’eau ou vaut-il mieux abandonner? Pour l’instant, c’est la première position qui est privilégiée, afin de ne pas laisser disparaître les ombles chevaliers du lac d’Annecy.

« Le sondeur est-il autorisé pour pêcher ? « 

Oui, tout à fait. Il est autorisé pour les amateurs, mais pas pour les professionnels. : Ils n’ont pas le droit d’utiliser le sondeur en même temps que leurs moyens de pêche mais ils peuvent l’utiliser le sondeur sans moyen de pêche.

« Qu’en est-il de la moule qui envahit les lacs de montagne ? »

 La moule quagga est déjà apparue au Lac du Bourget, et au Léman. L’expérience vécue dans d’autres lacs est catastrophique, car cette espèce menace la plancton végétal.

 Le phytoplancton se trouve à 7-8 mètres de la surface, où la lumière arrive encore, et le plancton animal se nourrit du plancton végétal. Le plancton animal, est formé de toutes petites bestioles qui font à peine 1/10 à 3/10 de millimètres. Il y en a au moins 1000 formes différentes. Au bord du lac, vous voyez souvent plein de petites coquilles : les corbicules. Présentes depuis une trentaine d’années, elles ne posent pas de problème.

Quant à la moule quagga, qui vit elle entre 2 eaux, contrairement aux autres, elle attaque le plancton végétal et par conséquence diminue la nourriture du plancton animal, lui-même nécessaire aux poissons.

Au Lac du Bourget, les féras ne grossissent pas et ne dépassent plus 30 cm. Il y a donc certainement un impact de cette moule sur l’équilibre du lac et malheureusement, il n’y a aucun prédateur et aucun traitement pour la contrer. La moule quagga adulte mesure à peu près 2 cm. Elle rentre dans les canalisations et arrive à les obstruer. Au Lac de Constance, ils dépensent une fortune pour réparer les canalisations abîmées.

« La moule quagga est-elle liée au dérèglement climatique ? « 

Non, la moule est originaire de la mer Noire et est venue par les bateaux et autres transports.

« Et le retournement du lac ? « 

La bascule du lac se fait à la fin de l’hiver, uniquement quand certaines conditions sont réunies. Pour en savoir plus, sur ce sujet technique, « Le lac d’Annecy et son plancton » (J-C Druart et G. Balvay), www.quae.com

Voilà une discussion passionnante qui est venue clôturer ces séances dédiées au Patrimoine local !

CinéLaudon remercie Madame Velland, Monsieur le Maire, Monsieur Boutillon et la cinquantaine de spectateurs pour leur participation active à cet échange.

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