L’héritage d’Anne FRANK

«Avec OÛ EST ANNE FRANK!, le réalisateur Ari FOLMAN initiateur du genre Film d’animation documentaire, rend hommage à cette jeune fille juive dont le journal a marqué des générations de lecteurs dans le monde, mais il exprime aussi sa colère quant à certaines dérives du monde actuel.»

C’est ainsi que Benoît LETENDRE, intervenant spécialisé en cinéma auprès de jeunes publics, a présenté ce long métrage programmé à CINE LAUDON ce jeudi 17 février. 


Notre médiateur rappelle qu’Anne FRANK, dont la famille avait émigré d’Allemagne aux Pays-Bas pour fuir le régime nazi, s’est cachée pendant plus de 2 ans avec ses parents, sa sœur et des amis, dans un appartement secret « l’annexe » (devenu aujourd’hui un musée) aménagé dans l’entreprise de son père à Amsterdam. C’est là qu’elle rédige son journal intime, du 12 juin 1942 (jour de son 13° anniversaire) au 1er août 1944, quelques jours avant l’arrestation et la déportation du groupe en camp de concentration.
Ses écrits, publiés par son père, seul rescapé, décrivent le quotidien d’un confinement hors norme et les sentiments d’une adolescente brillante, qui rêvait d’être écrivaine…

En s’appuyant sur le personnage de Kitty, l’amie imaginaire d’Anne FRANK, partie à sa recherche, Ari FOLMAN souhaite réunir 3 conditions pour ce film:

  • transmettre le message aux plus jeunes, d’où l’utilisation de la technique d’animation,
  • évoquer le sort d’Anne FRANK après l’interruption de son journal, c’est à dire les 7 mois entre son arrestation et son décès,
  • faire réfléchir sur le présent et le passé, en mettant en scène les migrants, même si leur situation n’est pas comparable avec celle des victimes de la Shoah.

Transmettre un message

Benoît LETENDRE questionne de jeunes spectatrices ayant lu le livre, concernant leur opinion sur la fidélité du film par rapport à leur lecture. Effectivement, le film relate de manière très fidèle la soirée d’anniversaire, le départ précipité vers l’Annexe, ainsi que les scènes de la vie quotidienne dans cette cachette, comme les repas partagés, la radio écoutée le soir, les images du monde extérieur qui se reflètent dans la fenêtre du grenier. Parmi les faits marquants, la «découpe de la vache» témoigne de moments heureux, tout comme les discussions et le flirt avec Peter…

Le documentaire ne cache pas, par ailleurs, les moments de doute, de questionnement, et les difficultés relationnelles, notamment entre Anne et sa mère. Dans la première version du Journal publiée dans les années 50, Otto FRANK (le père), avait censuré les passages concernant les conflits entre mère et fille, et ceux relatifs à l’intimité de l’adolescente. La version éditée en 2001 offre l’intégralité du journal.

Le sort d’Anne Frank après sa déportation

Il est décrit via l’évocation du témoignage de sa meilleure amie, Hanneli GOSLAR, survivante du camp de BERGEN-BELSEN, où sont décédées du typhus Anne et sa sœur Margot. Cette rescapée de l’Holocauste a témoigné toute sa vie, afin que personne n’oublie cette période très sombre de l’Histoire.

Le personnage de Kitty

Ari FOLMAN utilise le personnage de Kitty pour faire le lien entre le passé et le présent, et pour souligner le sort des migrants très souvent rejetés et ignorés par les habitants des métropoles européennes. Comme l’a souligné Benoît LETENDRE, la manière (les bons migrants et les méchants policiers) est un peu caricaturale mais a pour objectif de nous faire réfléchir sur nos comportements actuels.

OU EST ANNE FRANK! est également un documentaire remarquable sur la forme…

Images à l’appui, Benoît LETENDRE démontre au public attentif la pertinence des portraits des personnages réalisée par des effets de tapisserie murale, la précision de la  description de l’Annexe  par des plans de coupe, le réalisme des décors (maquettes intégrées)… De même, il nous fait remarquer le contraste entre les scènes du passé, plutôt colorées, et les séquences d’Amsterdam aujourd’hui, avec des images sombres et des couleurs froides.

Les  camps de concentration et la Shoah ne pouvant se représenter aisément, si on en juge par ailleurs par le faible nombre de films réalisé sur ce sujet (LE PIANISTE, LA LISTE DE SCHINDLER ou encore LA VIE EST BELLE), Ari FOLMAN s’appuie sur la mythologie grecque, pour laquelle se passionnait l’adolescente, pour faire référence à cette période la plus horrible de la vie d’Anne FRANK: la représentation des enfers, le dieu Hadès et ses cerbères, l’entrée en barque, l’obligation de se dévêtir… tout suggère de manière très explicite le calvaire enduré par l’adolescente et tous les déportés.

De même la représentation des soldats nazis, inspirée du témoignage de la mère du réalisateur, est assez saisissante: des silhouettes géantes, parfaites, sans expression, avec de longues capes noires… tout le contraire des combattants hétérogènes, habillés de couleurs vives, de l’armée imaginaire de la jeune écrivaine.

Pour conclure cette soirée, Benoît LETENDRE, intarissable sur le sujet, a résumé l’objectif d’Ari FOLMAN:

« recentrer l’histoire d’Anne FRANK sur un message d’humanité, se souvenir d’elle de manière intelligente. Son histoire à elle s’est très mal terminée, c’est le passé, mais aujourd’hui, dans le présent, il est encore possible d’agir et de défendre les vraies valeurs.« 

CINE LAUDON remercie Benoit LETENDRE pour sa passionnante intervention.

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